Manifeste pour un service public plus humain et ouvert à ses administré-e-s

24 Fév 2022

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Nous, associations de défense des droits humains et organisations agissant en solidarité
avec les personnes, françaises ou étrangères, en situation de grande précarité, tirons la
sonnette d’alarme quant à certains impacts négatifs de la dématérialisation des services
publics sur l’accès aux droits.

Le numérique occupe une place croissante pour
l’accès au service public dans des domaines divers
allant de la fiscalité à la protection sociale, en
passant par les documents d’identité ou les titres
de séjour.

Or, si la dématérialisation des démarches admi-
nistratives peut simplifier les démarches pour

de nombreuses personnes, elle peut aussi être
une source majeure d’entrave à l’accès aux
droits pour d’autres.

Ses effets délétères sont connus et très documentés

par nos organisations, mais également par le Défen-
seur des droits dont le rapport “Dématérialisation et

inégalités d’accès aux services publics” soulignait en
janvier 2019 le “risque de recul de l’accès aux droits
et d’exclusion pour nombre” d’usagers et usagères.
C’est précisément, aujourd’hui, le constat fait sur
le terrain par nos différentes organisations.

La dématérialisation des services publics entraîne fré-
quemment, et plus que jamais depuis le début de la

crise sanitaire, la fermeture des points d’accueil du
public : démarches à effectuer en ligne, rendez-vous
à obtenir via le site Internet, etc.
Ces choix politiques ignorent la fracture numérique
dont sont victimes les personnes ne disposant pas
de matériel informatique, de connexion adéquate,
de possibilité de scanner des documents, ou des
compétences techniques.
Ce sont les personnes vivant une grande
précarité, allophones, âgées, en situation de
handicap ou en situation d’illettrisme (4 millions
de personnes en France d’après une enquête
Insee de 2011), qui se trouvent entravées dans
l’accès aux droits.
L’aggravation de la précarité est, en France, l’une des
nombreuses conséquences de la crise sanitaire et

appelle, pour les personnes qui en sont victimes, un
accompagnement renforcé par les pouvoirs publics.
Mais c’est l’inverse qui se produit : la fermeture
de trop nombreuses administrations pendant
le confinement du printemps 2020 a conduit
à l’explosion de la dématérialisation, sans
considération sérieuse pour l’impact pour les
personnes en précarité. Encore aujourd’hui, la
situation sanitaire sert trop souvent à justifier la
fermeture au public des portes des administrations,
alors que l’objectif de l’entière dématérialisation des
services publics préexistait à la crise sanitaire.
L’administration s’éloigne ainsi du public et
d’abord de celles et ceux qui en ont le plus
besoin : défaut d’alternative physique, absence
de dialogue, d’accompagnement et de conseil,
interface web complexe ou incomplète, absence
de recours dès lors que les démarches en ligne ne
peuvent aboutir.

• Des administrations de plus en plus fermées au public

L’ineffectivité de certains services publics
dématérialisés entrave l’accès au service public
et donc aux droits, y compris pour les personnes
tout à fait à l’aise avec le numérique, le plus
souvent du fait de l’insuffisance des moyens
humains dédiés aux administrations ou des
choix d’affectation de ces moyens.
Derrière la modernisation du service public se
dissimulent aussi des suppressions de postes ou
encore le développement de la privatisation et
de la sous-traitance des services, dégradant les
conditions de travail de leurs employéEs.
Les usagers et usagères du service public font les
frais de ces dégradations, qu’il s’agisse d’accéder
aux prestations familiales, à une couverture maladie
ou à un titre de séjour.
Dans les préfectures et plus récemment dans les
caisses d’assurance maladie ou d’allocations
familiales, les personnes sont souvent contraintes
d’obtenir un rendez-vous en ligne, via des sites Internet

ou des plateformes téléphoniques ne proposant en
réalité aucun créneau ou bien en nombre très limité
et à des dates très éloignées.
Et comme le souligne un récent rapport de la
Commission des finances de l’Assemblée nationale,
les moyens des services “étrangers” des préfectures
n’ont pas augmenté à la hauteur des besoins du
public au cours des dernières années et ne sont pas
affectés en priorité à l’accueil des demandeurs et
demandeuses de titre de séjour.
Pour les administrations, la dématérialisation
des démarches représente l’opportunité de faire
disparaître les files d’attente et de limiter la présence
du public dans leurs locaux, évitant ainsi également
des situations de tension entre les usagerEs et les
employéEs.
Mais l’attente est rendue invisible et aucun
indicateur ne permet aujourd’hui de mesurer sa
durée et l’ampleur des personnes touchées.